Elle est là, assise face à la mer. Des heures déjà qu’elle se tient dans la même position. Elle n’a pas bougé. Assise à même le sol, contre un rocher, les genoux repliés contre sa poitrine, sa tête reposant dessus. Elle fixe la mer.
J’habite une maisonnette donnant directement sur le chemin des douaniers sur la côte nord bretonne. Ma maison d’un côté du chemin, elle de l’autre, assise entre la mer et moi.
Des heures déjà. Mais pourquoi ? Comment peut-on rester là aussi longtemps ? Qu’est-ce qui pousse une personne à s’arrêter ainsi ? Un défi ? Un stage individualisé de médiation ? N’a-t-elle pas une vie qui l’attend quelque part ?
Le jour décline, elle ne bouge pas.
Je décide de m’approcher doucement. Je ne veux pas l’effrayer.
- Souhaitez-vous vous abriter chez moi pour la nuit ? J’habite en face. Ça fait des heures que vous êtes assise là. Il est trop tard maintenant pour rentrer à pied. Peut-être souhaitez-vous que je vous raccompagne à Perros Guirec ?
Elle se tourne vers moi et me regarde comme si elle sortait d’un songe, les yeux pleins de larmes, le visage humide. Elle regarde ma maisonnette, se lève et sans rien dire, me suit. Sans bagage, sans rien que sa tristesse.
- Ce n’est pas grand, mais vous serez protégée du froid et vous pourrez reprendre votre chemin demain matin.
Pas facile de discuter tout seul. Je lui présente la maison, on en a vite fait le tour, je n’ai qu’une grande pièce, une chambre et une salle de bain attenante.
Puis elle se pose devant la fenêtre et regarde la mer comme si elle ne l’avait pas assez vue pour aujourd’hui. Elle doit avoir la quarantaine, pull, jean, brune, queue de cheval. Elle marche sûrement depuis un bon moment. Ses baskets sont épuisées.
Elle saisit le mug que je lui apporte et boit la soupe chaude, toujours face à la mer. Toujours en silence. Quelle réponse peut-elle chercher ?
La nuit est là.
Elle s’approche doucement de la cuisine :
- Merci, murmure-t-elle.
Elle lave son bol dans l’évier. Elle ne souhaite rien d’autre.
- Vous devez être fatiguée. Je vous ai préparé ma chambre, je vais prendre le canapé. Ne vous méprenez pas, je ne le fais pas par galanterie, pas mon genre, c’est juste que je n’ai pas l’habitude de me coucher si tôt. Vous avez des couvertures dans le placard si vous avez froid, et je vous ai mis un tee-shirt sur le lit pour la nuit.
Elle me regarde, ses yeux sont verts. Elle me remercie d’un sourire fragile.
- Au fait, je m’appelle Paul.
Elle ne dira pas son prénom, et comme un fantôme, elle quitte la pièce.
J’ai eu beaucoup de mal à m’endormir, trop de questions tournaient dans ma tête.
Au petit matin, je suis parti chercher du pain frais au village. Quand je suis revenu, la porte de la chambre était ouverte, sur la table du séjour, un mot. Merci.
Et puis plus rien, personne. Que la vie qui continue et reprend son cours.
Quel cadeau. Merci Caroline ✨💖😘
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