table de travail

Autisme et école inclusive

Ils sont là, tous les deux dans ma classe.

Lui est arrivé à la rentrée, en même temps que les 23 autres enfants de CP. Il a son univers à lui, sans langage, avec sa voix, ses flappings, ses petits pas sautés dans la classe, ses allers et retours, ses mains qui doivent faire tomber des petits pompons lorsqu’il se concentre pour apprendre (plus silencieux que des perles), ses obsessions, ses listes de prénoms, ses cris quand on arrête la musique, ses crises quand il n’est pas disponible, ses rituels toujours les mêmes, son ordinateur pour l’écriture, ses étiquettes mots, sa passion pour les histoires et les sons, son coin écoute, sa soif d’apprendre, son intelligence, son humour, ses griffures d’angoisse sur mes mains, ses câlins pour dire merci. Un univers entier et inconnu pour moi, auquel je dois m’initier.

Elle est arrivée courant octobre. Jamais scolarisée. Rejetée des autres écoles. Elle devait venir dans ma classe pour un fauteuil roulant, mais ce n’est pas un handicap physique qu’elle porte . Elle aussi est dans son univers. De crises, de colères, d’appels au secours, à l’aide les premiers jours, d’obsessions. Elle parle peu, exprime intensément ses émotions. Créer un emploi du temps aménagé pour lui donner envie de venir à l’école. Elle ne fait que de la peinture, de la pâte à modeler, qu’elle a mangée un peu au début. Quelques mots de langage, pas d’apprentissage, pas de socialisation, pas de diagnostique. Même si on se doute. Pas d’AVS. Un univers proche et si différent du premier.

Ils sont là tous les deux.

Et puis il y a les 22 autres neurotypiques, qui accueillent au quotidien, tout comme moi, ces différences, qui acceptent les bruits, les cris des enfants autistes, qui soutiennent, qui aident, qui partagent, qui développent leur tolérance et leur empathie, leur ouverture à l’autre, leur résistance.

Et moi au milieu de tout ça, sans formation, ni matériel pédagogique. Des idées, de la motivation, j’en ai plein. Du temps, des formations, des moyens, des outils pédagogiques, je n’ai rien. Des heures de travail à adapter un espace accessible pour ces deux bouts de choux de 6 ans. Seuls les parents, les éducateurs m’ont apporté quelques billes. Pour eux, deux ans d’attente en classe spécialisée. Pour moi, ma bibliothèque personnelle se remplit d’ouvrages pour apprendre comment travailler ave eux.

L’école inclusive, oui, j’y suis fortement attachée. Mais avec du temps, des moyens, des outils, des classes partagées, des formations, de quoi accueillir dignement ces enfants, de la considération. Un école inclusive qui n’en aurait pas que le nom. Aujourd’hui, elle est indigne du handicap, indigne de l’enfant, maltraitante, irrespectueuse des familles et des adultes qui accompagnent l’enfant. Mais quand, en France, va-t-on se réveiller pour donner à l’enfant une vraie dignité d’accueil de la différence, d’ouverture à l’autre, du handicap ?

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